Réussir une levée de fonds : conseils aux entrepreneurs (Le Journal du Net, 31 juillet 2013)
Une levée de fonds est source d’appréhensions pour les créateurs d’entreprise : dilution, perte de la gouvernance, garantie de passif… La pratique juridique a développé des techniques permettant d’aménager les intérêts des fondateurs.
Se lancer dans une levée de fonds est source d’appréhensions pour les créateurs d’entreprises : comment éviter d’être dilués, comment préserver le contrôle sur la gouvernance, comment limiter les conséquences d’une garantie de passif, etc. ?
Ces inquiétudes légitimes méritent d’être largement relativisées tant la pratique a développé des techniques juridiques pour aménager les intérêts des fondateurs.
Ceux-ci doivent donc aborder la négociation avec les investisseurs en ayant à l’esprit quelques principes qui leur permettront de réussir leur levée de fonds.
Privilégier le « management package » plutôt que le niveau de participation
Les fondateurs redoutent d’abord d’être massivement dilués du fait de l’entrée au capital des investisseurs. Au-delà de la crainte de perdre le contrôle de la société, c’est la perspective d’abandonner l’espoir de réaliser une plus-value significative lors de sa cession. Ils ont en effet le sentiment que c’est leur contribution quotidienne qui confère sa valeur à terme à l’entreprise et qu’il est légitime qu’ils en retirent l’essentiel des produits en cas de cession.
Or, les fondateurs disposent d’outils juridiques pour aménager une répartition de cette plus-value de cession entre les investisseurs et eux en la dissociant en partie de la répartition du capital.
Ces modalités généralement combinées sont regroupées sous le vocable de « management package » : actions gratuites, aménagement d’une répartition préférentielle du prix de cession sous forme d’actions de préférence ou dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, répartition des fonds levés entre capital et obligations (« soft equity »), etc…
D’un débat sur le pourcentage de détention du capital des investisseurs, la négociation peut ainsi être déplacée vers celui du partage à terme du prix de cession.
Conserver un droit de veto sur des décisions stratégiques plutôt que la majorité
La dilution des fondateurs est vécue par eux comme une perte d’influence dans la gouvernance de l’entreprise. Pourtant, les investisseurs ont un droit légitime de veiller à ce que sa gestion reste conforme à leur intérêt. Cette exigence se traduira par une représentation dans les organes de décision de la société. Les fondateurs peuvent alors revendiquer un droit de veto sur certains choix qui leur seraient imposés par les investisseurs, assorti le cas échéant d’une faculté de se faire racheter leur participation en cas de désaccord persistant.
Tout révéler dans le cadre de la garantie de passif plutôt que de dissimuler
Puisqu’il est rare qu’une entreprise soit sans défaut, l’entrée des investisseurs au capital est systématiquement assortie d’une garantie d’actif et de passif des fondateurs. Cette exigence traditionnellement ressentie par ces derniers comme douloureuse tant ils ont le sentiment qu’elle revient à leur faire supporter les risques qu’ils ont pris, doit être relativisée.
En effet, la valorisation négociée entre fondateurs et investisseurs prend nécessairement en compte les éventuelles faiblesses de l’entreprise révélées par les audits. Une fois clos ce débat, les fondateurs devraient se focaliser sur le développement et leur management package.
Aussi, afin de limiter la mise en jeu de la garantie, il est préférable de révéler aux investisseurs tous les sujets susceptibles de relever de celle-ci (risque non provisionné, surévaluation d’éléments d’actif, etc.…) dès lors que la convention aura expressément prévu que tout ce qui aura été révélé dès le stade de l’entrée au capital des investisseurs ne pourra plus être ultérieurement mis à la charge des garants. Il est donc recommandé aux fondateurs de révéler, plutôt que de cacher, tous les sujets sensibles dès le stade des négociations.
Conclusion
Lors d’une levée de fonds, les fondateurs ne sont donc pas démunis face aux investisseurs et le poids apparent que pèse dans une négociation, l’apport vital de capitaux. La pratique juridique développe constamment des outils permettant d’assurer un équilibre satisfaisant entre ces deux parties de telle sorte que chacune trouve dans la gestion courante de l’entreprise et lors de sa cession, la juste rétribution des efforts consentis.
Le Journal du Net, 31 juillet 2013